Les 15 et 16 septembre 1995, le colloque international «Hiroshima sans amour», organisé par le Comité National de Commémoration du 50ème anniversaire de la fin de la Seconde guerre mondiale, avec la coopération de l'U.L.B., a réuni à l'Université de Mons-Hainaut des historiens, des scientifiques, des politologues, des médecins et des spécialistes des sciences humaines s'interrogeant sur les véritables raisons de la tragédie atomique infligée au peuple japonais ainsi que sur ses conséquences multiples à court, moyen et long termes.

Le colloque se voulait une sorte de réaction à l'interdiction de l'exposition sur la fin de la 2ème guerre mondiale. mise sur pied par la prestigieuse Smithsonian Institution à Wa-shington. Cette exposition avait été interdite car elle soulignait trop (I) les souffrances endurées par la population japonaise et présentait les raisons évidentes du bombardement atomique : utiliser les deux bombes construites à grand prix, punir les Japonais et surtout en imposer diplomatiquement aux Soviétiques. Cette présentation était en opposition avec la version officielle insistant sur la «nécessité» de la bombe pour sauver les centaines de milliers de vies humaines qu'aurait coûté - disait-on - la conquête du bastion nippon déjà au bord de l'écroulement.

Parmi les conférenciers, outre l'historien américain William LANOUETTE, auteur d'une biographie récente sur Léo Szilard, figurait notamment le Professeur Joseph ROTBLAT, ancien secrétaire général du groupe Pugwash et actuel président de cette équipe internationale de savants. Malgré les 87 ans qu'il a fêtés ce 4 novembre, Joseph ROTBLAT, sans l'ombre d'une hésitation, avait accepté l'invitation de venir parler de «50 années de nucléaire». Au cours d'un exposé brillant et primesautier, l'orateur - qui paraît 20 ans plus jeune que les données fournies par l'état-civil - nous a donné la quintessence d'une réflexion approfondie de 50 ans sur le mythe absolu de la dis-suasion nucléaire. Il nous a clairement fait comprendre le principe de la découverte de la réaction en chaîne et les raisons de son départ de Los Alamos en 1945, au moment où il a compris que la bombe, destinée à dissuader les Allemands de son emploi, était en réalité dirigée contre les Soviétiques en utilisant les Japonais comme cobayes.

Après la guerre, avec Bertrand Russsel et Albert Einstein, il allait signer le manifeste reconnaissant la responsabilité des scientifiques et soulignant les conséquences catastrophiques de la course aux armements atomiques par les puissances avides de prestige et de domination.

Il partagea par la suite toute sa vie entre l'enseignement universitaire et l'animation des conférences Pugwash qui oeuvrent en faveur du désarmement nucléaire en proposant un traité international sous surveillance sociétale et obligatoire. C'est-à-dire observé par tout le monde avec l'accord de tous les gouvernements.

Quatre semaines après son séjour en Belgique. Joseph ROTBLAT et les conférences de Pugwash se voyaient octroyer le Prix Nobel de la Paix.

Alors que trop souvent, ce prix a été accordé à des bellicistes s'accordant une trêve stratégique, on ne peut ici que se féliciter du choix du comité norvégien qui récompense ainsi une action authentiquement pacifiste de longue haleine, menée à contre-courant des politiques traditionnelles.

Anne MORELLI et Pierre PIERART
Coordinateurs du colloque